DISCOURS PRÉLIMINAIRE, 5
les avantages les plus immédiats, les plus importans et les
plus nombreux; qu’à l’Architecture l’espèce humaine doit
sa conservation, la société son existence, tous les autres
arts leur naissance et leurs développemens ; qu’à elle par
conséquent l’homme doit la somme de bonheur et de gloire
dont la Nature lui a permis de jouir.
Qu'’au lieu de ces avantages inappréciables, si l’Architee-
ture n’eut offert aux hommes que l’avantage frivole de ré-
créer leurs yeux, elle eut bientôt eté forcée de céder la place
à la peinture et à la sculpture, arts dont les productions
faites pour parler non-seulement aux yeux, mais encore
pour parler à l’ame, sont incomparablement plus faciles
à acquérir.
Que par conséquent l’Architecture ne peut avoir pour
but l’agrément, mais bien l’utilité.
Que quand même plaire serait le but de l’Architecture,
l’imitation, moyen qu’on lui fait emprunter des autres
arts, serait incapable de le lui faire atteindre; car pour que
le plaisir résulte de l’imitation, il faut que le modèle qu’on
se propose d’imiter soit un objet de la Nature, hors de
laquelle nous ne connaissons rien , hors de laquelle rien
par conséquent ne peut nous intéresser; il faut en outre
que l’imitation de ce modèle soit parfaite : or des deux
modèles que l’on offre à l’Architecture, l’un (la cabane)
n’étant rien moins qu’un objet naturel, ne pouvant pas
même etre considérée comme un objet d’art, ne doit pas
conséquemment etre imité dans ses formes ; l’autre (le
corps humain) n’ayant aucune analogie de formes avec
un corps architectural, ne peut etre imité dans ses pro-
portions.
Que quand mêmeil y aurait quelque analogie entre les
deux espèces de corps, toujours serait-il souverainement